Dans le monde d’aujourd’hui, les enfants restent enfants de moins en moins longtemps alors que pour leur développement il est indispensable de rêver. Le passage de la Petite Souris est un moment magique qui vient consacrer un événement très important pour les enfants : La perte des premières dents de lait !
Voici pourquoi, il nous semble essentiel de faire vivre le mythe de la Petite Souris afin d’apporter de la joie et du rêve aux enfants.
Père Noël, Petite souris, Fée des dents, Saint Nicolas, Cloche et Lapin de Pâques, ou encore Rois Mages, nombreux sont les personnages qui offrent des présents aux enfants dans les sociétés occidentales. Il s’agit d’un secret, transmis de génération en génération, que chacun tente d’entretenir auprès des plus jeunes. D’ailleurs, d’après le site Hôpital des enfants à Montréal, 86 pour cent des parents affirment qu’il est important de croire au Père Noël. Il suffit de jeter un œil aux attroupements créés autour de la venue du Père Noël pour se rendre compte qu’enfants et parents sont nombreux à venir célébrer le plus célèbre des personnages imaginaires : photos, câlins, secrets dévoilés à l’oreille et regards émerveillés viennent combler ce doux moment hivernal.
Cependant, force est de constater que ces inventions, entretenues avec complicité par de nombreux parents, ne conviennent pas à tous. L’argument le plus fréquent est celui du mensonge que certains parents se refusent de transmettre. Les uns estiment qu’il leur est impossible de mentir à leur enfant, de trahir leur confiance et d’abuser de leur naïveté. Pour les autres, il s’agit le plus souvent d’un facteur social, psychologique ou religieux qui s’opposent à cette pratique. En effet, certains catholiques, par exemple, préfèrent célébrer la naissance de Jésus et mettre en avant les bienfaits du partage, plutôt que de célébrer un personnage purement laïc, voire païen. En revanche, de nombreuses écoles de la même confession invitent Saint Nicolas dans leurs classes le 6 décembre, mélangeant ainsi réalité et fiction.
De son côté, Maria Montessori, dans sa méthode, préconise le développement de l’imagination, mais soutient que l’enfant n’imagine pas ces personnages, il ne fait que croire en une image que sa famille ou la société lui impose.
Certains parents pensent également que s’opposer à ce type de croyance leur permet de ne pas s’engouffrer dans une société de consommation qui utilise l’image sympathique de ces êtres imaginaires pour pousser à l’achat. Il suffit d’observer les publicités avant les fêtes pour comprendre leurs motivations.
Enfin, des adultes revivent à travers leur progéniture les bouleversements de leur propre enfance : peur du Père Noël ou du Père Fouettard, découverte difficile et blessante de la vérité, sentiment de trahison de la part de leurs parents…
Quoi qu’il en soit, nous ne cherchons pas à combattre celui qui ne pense pas comme nous, nous respectons son choix. D’après la psychanalyste Virginie Bapt, le plus important est de croire en ce qui peut nous rassembler, en tant que famille, et de réfléchir aux valeurs que l’on veut transmettre à son enfant.
Nous avons créé le site de la Petite Souris car nous pensons que cet imaginaire fait partie de l’enfance, qu’il est bénéfique au développement de nos petits et qu’il doit continuer à exister tout en s’adaptant au monde d’aujourd’hui.
A travers ce que nous développons, nous voulons permettre de :
Revivre son enfance et perpétuer la tradition
A travers le Père Noël, la Petite souris, les Cloches et tous les êtres merveilleux qui comblent les enfants de présents, les adultes revivent une partie de leur enfance, par procuration. Quelle joie de se retrouver dans le rôle que nos parents ont eux-mêmes endossé avant nous ! Des souvenirs précis refont alors surface : la rencontre avec un personnage extraordinaire, la chasse à la souris pour tenter de la prendre en flagrant délit sur l’oreiller, le déballage d’un cadeau dont le carton a davantage fasciné que le contenu… Chacun possède un trésor dans sa mémoire. De cette façon, c’est à la fois une tradition familiale que nous perpétuons et le souvenir d’un bonheur passé, une espèce de jardin d’Eden que nous pouvons retrouver plusieurs fois dans l’année.
Bien sûr, cette période est finalement de courte durée puisque les enfants, à leur tour, s’affranchissent de l’enchantement. Mais la promesse de les voir prendre la relève une vingtaine d’années plus tard permet de construire une tradition familiale bien ancrée.
Ces croyances constituent aussi des souvenirs communs qui entretiennent la mémoire des défunts auxquels nous pensons forcément dans ces moments-là : un parent déguisé, des épluchures de carottes placées sous le sapin par les grands-parents, un stratagème orchestré autour de la Petite souris… Tous ces bons moments nous rappellent au souvenir des êtres qui nous étaient chers et qui ont contribué à rendre notre enfance heureuse.
Entretenir l’imaginaire
Les enfants vivent dans un monde peuplé d’étranges créatures. Dans leur esprit, le merveilleux se confond avec la réalité. D’après les psychologues, l’enfant avant quatre ou cinq ans ne parvient pas à créer une barrière entre les deux mondes. Les fées, les monstres, les princesses, les chevaliers et les animaux qui parlent appartiennent à leur quotidien. Leur rapport à la réalité est différent du nôtre car rien ne parviendra à les interroger ou les inquiéter. D’ailleurs, il suffit de regarder le succès des parcs à thèmes, la queue interminable pour être pris en photo avec Mickey ou ses princesses préférées, pour se rendre compte que les plus jeunes ont besoin de ces rencontres extraordinaires qui marqueront leur enfance. Il n’est même pas rare que des adultes se prennent au jeu et retrouvent avec bonheur le personnage fétiche de leur enfance.
L’industrie du dessin animé en plein essor, la multiplication des livres de contes pour enfants, le succès des films sur le Père Noël et la queue pour rencontrer les êtres merveilleux confortent les parents dans l’idée que leurs enfants ont besoin de s’identifier à ces personnages et de mêler les deux mondes. Leurs yeux brillent devant les démonstrations de magie et quand cette dernière pénètre leur propre maison, leur enchantement n’en est que plus intense.
Créer une connivence familiale
Noël, Pâques, Saint Nicolas ou la perte d’une dent sont des événements qui marquent les familles et permettent de les rassembler à une époque où chacun est préoccupé par son travail, sa vie sociale et virtuelle, ses soucis quotidiens… Ce sont des moments où seul le plaisir de faire plaisir compte, où les familles sont réunies autour de l’enfant. Parents, grands-parents, oncles et tantes, frères et sœurs achètent leurs cadeaux et les emballent sans se faire repérer. Chacun est heureux de partager ces moments de bonheur avec les plus petits et de participer à un pieux mensonge tous ensemble. Parfois, ce sont de véritables stratagèmes qui sont organisés : venue du Père Noël le soir de Noël, installation discrète des cadeaux autour du sapin, bruits savamment orchestrés pour laisser croire que quelqu’un est passé…
Puis, au moment où les aînés découvrent que ces personnages ne sont que le fruit de l’imagination des générations antérieures, ils endossent à leur tour le rôle de celui auquel ils ont cru pendant quelques années. Ce sont eux les Père Noël, les Petites souris ou les cloches de Pâques qui, avec fierté, remplaceront leurs parents pour enchanter leurs petits frères et petites sœurs, ou encore leurs petits cousins ou neveux. Les liens de la famille se retrouvent resserrés en ces moments si particuliers au cœur de chacun.
Préserver les enfants d’un monde souvent loin des contes de fées
La vie n’est pas un conte de fées, tous les adultes s’accordent à le dire. Mais faut-il, dès la naissance, plonger les enfants dans un monde réel qui ne correspond pas à leurs aspirations ? N’est-ce pas finalement cruel de leur enlever la part de magie dont ils ont besoin pour se construire et grandir ?
Certes, la magie de Noël et celle de Pâques sont perverties par les entreprises dont le but est évidemment de faire du chiffre. Les beaux discours de la publicité ne leurrent pas les adultes qui comprennent que leurs enfants sont manipulés par l’image. Quelques semaines avant les grandes fêtes, l’enfant devient la cible privilégiée des réclames à la télévision. Entre deux dessins animés, aux heures de grande écoute, il est matraqué par l’image de cadeaux potentiels qui pourraient « changer sa vie ». Les grandes enseignes se servent de cette période en envoyant force catalogues de jouets, bien souvent accompagnés d’une lettre préremplie au Père Noël.
Mais le rôle des parents est aussi de temporiser les ardeurs de l’enfant et de lui faire comprendre la valeur des choses. Nul besoin de verser dans une société de consommation à outrance pour contenter ses aspirations. L’adulte peut très bien entretenir l’image du Père Noël ou du Lapin de Pâques tout en limitant les dépenses.
On remarquera que la Petite Souris fait exception dans ce panel. Le cadeau offert en échange de la dent tombée est symbolique. La plupart du temps, il s’agit simplement d’une pièce ou d’un petit objet qui sert à marquer l’événement. La Petite Souris conserve tout son côté merveilleux.
Créer un rite de passage et maintenir l’équilibre psychique
Dans le cœur de chaque enfant, il y a un avant et un après : cette transition marque le passage d’une période de sa vie à une autre. Elle indique à l’enfant qu’il a grandi, qu’il peut à présent appartenir au cercle des grands, qu’il détient lui aussi le secret gardé de manière ancestrale. Selon le psychiatre Dominique Torres-Gobert, Ne plus croire au Père Noël, c’est en effet ne plus prendre ses désirs pour des réalités, c’est grandir.
Dans le cas de la Petite Souris ou de la Fée des dents, ce rite de passage est nettement plus marqué car il est en plus symbolisé par la perte des quenottes. Vers six ans, l’enfant donne ses dents de lait, ce qui signifie qu’il aura bientôt ses dents définitives, ses dents de grand. Le sou ou le petit cadeau récupéré sous l’oreiller officialise ce changement. L’enfant est fier de passer dans la catégorie supérieure, d’avoir l’âge de raison. Ces petits mensonges aident l’enfant à grandir et ne sont en aucun cas destructeurs pour lui. Ils ont une portée symbolique et sociale et paraissent par conséquent cruciaux pour leur développement.
Le célèbre psychanalyste Bruno Bettelheim affirme que les personnages imaginaires auxquels s’identifient les enfants leur permettent de résoudre leurs conflits intérieurs et de surmonter leurs angoisses inconscientes. C’est un grand pas dans leur développement social et affectif. Les êtres imaginaires les rassurent et empêchent les angoisses qui doivent être limitées dans l’enfance. Si le cauchemar aide à exprimer les craintes enfouies, le Père Noël, la Petite Souris et les autres viennent équilibrer la donne en évitant les inquiétudes qu’un enfant ne peut pas surmonter seul.
Transmettre des valeurs
D’après la psychanalyste Virginie Bapt, Plus que le fait de lui avouer si le Père Noël existe ou non, le plus important est de lui transmettre ce que Noël signifie dans sa famille. En effet, derrière ces personnages merveilleux distributeurs de présents se cachent des valeurs que les parents souhaitent transmettre à leurs enfants. La psychothérapeute Dana Castro souligne le fait que l’enfant, par le biais du Père Noël, comprend qu’il doit être sage s’il veut être récompensé. Il prend, grâce à l’imaginaire, des attitudes qui lui permettront plus tard de partager les valeurs des adultes qui l’entourent. Le personnage merveilleux, quant à lui, symbolise la bonté et la générosité, l’amour des enfants et le rassemblement des familles.
Bruno Bettelheim ajoute qu’il faut laisser le petit enfant croire au père Noël, aux œufs de Pâques et à la Petite Souris parce qu’ils lui permettent d’ajouter une ferveur émotionnelle à d’importants concepts qu’il développera plus tard. Nous savons tous, par expérience, que nos idées se rapportant à Noël, sont passées du père Noël et à sa hotte, à l’esprit de générosité, du plaisir de recevoir des cadeaux à celui d’en offrir aux autres. Les personnages merveilleux ne sont pas un frein à l’altruisme, bien au contraire. L’enfant se construit par imitation de l’adulte. Le Père Noël, la Petite Souris et les autres étant des références à ses yeux, il lui sera tout naturel de reproduire le geste du don et du partage quand il grandira et qu’il prendra conscience de la réalité du monde autour. Certes, ils n’existent pas, mais ils représentent tout une palette de valeurs communes à tous les hommes. D’après le psychanalyste Claude Halmos, leur existence n’est pas réelle, mais les valeurs qu’ils incarnent, oui.
Alors oui, continuons à leur apporter du rêve
Si nous respectons évidemment la pensée et les arguments de chacun, nous restons persuadés que ces personnages bienfaiteurs ne peuvent qu’apporter du rêve, de la sérénité et de la fierté aux enfants. Ils sont des modèles à suivre dans leur vie future, et resteront des souvenirs gravés à jamais dans leur mémoire. Ainsi, les enfants devenus grands transmettront eux aussi cet héritage à leurs propres enfants, et ainsi de suite. Ce sont les secrets les mieux gardés depuis des générations !