Qui est tu Bernard ?
Depuis 1977, année de sortie du long-métrage, mon prénom est uni à celui de Bianca dans l’imaginaire des enfants. Pourtant, en dehors de nos initiales identiques, rien ne nous rapprochait et personne n’aurait pu imaginer que nous formerions un duo aussi solide que célèbre.
Moi, Bernard, maladroit et hésitant, atteint de la phobie du nombre treize, n’étais pas prédestiné à une aventure de cette envergure. Mais prenons les événements dans l’ordre, voulez-vous ?
J’occupais le poste de concierge au sein de la SOS Société, une assemblée de souris située au sous-sol du bâtiment des Nations Unies et dont le but était de venir en aide aux victimes. Dans cette organisation, beaucoup de pays et continents étaient représentés par des souris : on pouvait reconnaître le Français à son béret, l’Autrichien à son chapeau tyrolien, le Pakistanais à son turban, le Turc à son fez (chapeau en feutre rouge) … Le fondateur de cette organisation se nommait Souris Euripide, clin d’œil à l’Antiquité grecque. On le voyait d’ailleurs avec des lauriers, une longue barbe et une toge sur l’affiche de la SOS Société. Le célèbre hymne du groupe était entonné par tous ses membres et accompagné par de petits scouts musiciens :
SOS Société,
Nous sommes là pour vous aider.
Quels que soient vos problèmes,
Nous les réglerons nous-mêmes !
Là-bas, mon quotidien était plutôt calme, je passais le balai et m’occupais d’entretenir les lieux. Un jour, Penny, une petite fille, se retrouva enfermée dans un bateau par l’horrible Médusa. Pour qu’on lui vienne en aide, elle envoya une bouteille à la mer, et ce sont les membres de la SOS Société qui reçurent son message de détresse. C’est ce jour-là que mon regard croisa celui de Miss Bianca. La représentante de la Hongrie arriva en retard à la réunion, et fit une entrée remarquée. Elle portait une toque et un manteau de fourrure. Moi l’homme de l’ombre, je fus tout de suite charmé par sa grâce et sa délicatesse, mais aussi par son courage. Rien ne semblait l’effrayer, et cela se confirma par la suite. Après avoir lu la lettre de Penny, elle se porta volontaire pour sauver la pauvre petite fille. Contre toute attente, alors que je n’avais fait qu’ouvrir maladroitement la bouteille et en extraire le billet, elle me choisit pour l’épauler dans sa mission. Il paraît qu’elle me portait déjà un regard attendri, mais je n’en saurai jamais rien.
Je ne vous raconterai pas la suite de l’histoire, vous la connaissez sans doute ou vous serez peut-être curieux de la découvrir. En revanche, vous ignorez certainement qu’avant de devenir des héros de dessins animés, nous incarnions les personnages d’une série de romans, The Rescuers, écrits entre 1959 et 1978 par l’Anglaise Margery Sharp et dont les droits furent rachetés par Disney. Plusieurs projets successifs virent le jour, mais ils furent abandonnés au profit de l’histoire de Penny. L’horrible Médusa devait, elle, emprunter les traits et le nom de Cruella d’Enfer qui, finalement, resta chez les 101 dalmatiens. On ajouta un peu d’humour au livre d’origine pour assurer plus de légèreté au film destiné aux enfants.
Notre long-métrage eut la chance d’être récompensé aux Oscars pour la meilleure chanson originale. Il reçut également un prix au Goldene Leinwand à Berlin. Dans la version originale, c’est Bob Newhart qui me prêta sa voix, et lors de son adaptation française, c’est le regretté Roger Carel qui le doubla.
Contrairement à Mickey, la plus célèbre des souris Disney, Bianca et moi avons été dessinés de manière plus réaliste. On reconnaît davantage notre fourrure, nos oreilles, nos moustaches… En revanche, nous nous montrons beaucoup plus « humains » dans nos réactions et nos émotions. La production avait même envisagé de nous marier à la fin du film, mais elle repoussa l’idée au second épisode qui sortira en 1990, Bernard et Bianca au pays de kangourous, où je demande Bianca en mariage. Malgré les prix reçus pour ce second opus, le succès fut en demi-teinte du côté des spectateurs.