Qui aurait cru que du haut de mes 58 centimètres, nu comme un ver et urinant dans un bassin, je deviendrais le symbole de la ville de Bruxelles ? Les touristes affluent par centaines des quatre coins de la planète pour m’admirer et me mitrailler grâce à leur appareil photo. Littéralement, je suis le « petit homme qui pisse », un gamin insolent qui urine. On me surnomme parfois « le petit Julien », en référence à une autre fontaine qui existait dans Bruxelles à l’époque de ma création.
Mon histoire remonte au 15e siècle : dans les archives de l’époque, on apprend que je servais déjà de fontaine. Mais je ne possédais pas qu’un rôle d’apparat comme aujourd’hui : je distribuais de l’eau potable aux habitants de la ville, le long d’un circuit qui comprenait plusieurs sources.
Au 17e siècle, une réplique de moi-même a été créée, en bronze, par le sculpteur Jérôme Duquesnoy. Jusqu’alors, je ne possédais qu’un corps de pierre. Vous pouvez toujours rendre visite à l’original dans le musée de la ville. C’est à cette époque que mon premier costume a été offert par un gouverneur. Depuis, un millier de tenues a complété ma garde-robe. La plupart ont été données par des invités prestigieux de la ville, notamment Louis XV. Je suis paré de ces beaux tissus environ 130 fois par an, souvent lors de grands événements.
Au 18e siècle, la colonne sur laquelle on m’a érigé disparaît au profit d’une niche aux dimensions démesurées, dans le pur style Rococo de l’époque. Une grille de même inspiration est ajoutée un siècle plus tard afin de me protéger des nombreux visiteurs. Désormais, je suis transformé en fontaine ornementale car la ville a mis en place un système d’arrivée d’eau à domicile. J’ai la chance de ne pas être démonté comme nombre de mes semblables. Mon jet s’écoule depuis lors dans un bassin en pierre bleue. C’est à cette époque que Napoléon 1er me nomme chambellan, ce qui me confère une certaine fierté !
En réalité, mon parcours n’est pas aussi calme qu’il n’y paraît. Je suis à de nombreuses reprises volé, et les coupables sévèrement punis. Les légendes qui m’entourent se multiplient. Certains affirment que j’ai été créé pour rendre hommage à un jeune garçon qui, grâce à son jet, aurait éteint une mèche qui s’apprêtait à incendier la ville. D’autres pensent que j’aurais été transformé en statue par une sorcière pour avoir uriné sur son mur. Moi seul connais la vérité, mais chut ! je préserve le mystère qui m’entoure…
De nombreuses copies de mon anatomie existent, y compris au Japon ! Et c’est sans compter sur les milliers de répliques qui grouillent dans les magasins aux alentours. Parfois, celles-ci sont même plus grandes que moi, c’est dire si mon succès est immense ! Dans la ville de Bruxelles, deux autres statues inspirées par moi-même attisent la curiosité des touristes : Jeanneke-Pis, une petite fille, et Zinneke-Pis, un chien, tous deux pratiquant la même activité…