Contrairement à mon cousin le dragon occidental, animal monstrueux ailé, cracheur de feu et maléfique, le peuple de Chine voit en moi un être la plupart du temps positif et bienveillant, doté d’une extrême puissance. C’est pourquoi les empereurs m’ont souvent utilisé comme symbole et se sont autoproclamés fils du dragon. D’ailleurs, la dynastie Qing m’a choisi comme emblème pour son drapeau. Je fais partie du folklore et je suis associé aux diverses fêtes du pays.
Dans la tradition, j’aide les hommes à se battre contre les catastrophes naturelles et j’organise les périodes de sécheresse ou de pluie car mon élément de prédilection est l’eau. Par maladresse, il m’arrive de provoquer des tempêtes ou d’autres catastrophes climatiques. Dans ce cas, pour me punir, les hommes installent ma statue au soleil car ils savent que je déteste son contact !
Physiquement, mon corps est composé d’une association de diverses créatures, de quoi créer un ensemble original. Jugez plutôt : tête de chameau, bois de cerf, yeux de démon, oreilles de bœuf, cou de serpent, pattes de tigre terminées par cinq griffes d’aigle. Mon corps est recouvert de 117 écailles de carpe, 81 mâles que l’on nomme yang (le bien) et 36 femelles appelées yin (le mal). Une barbe et de longues moustaches complètent ce portrait. Sous mon menton se cache une grosse perle, symbole de bonheur et de sagesse. Je ne dispose pas d’ailes mais je suis capable de voler grâce à une crête au sommet de mon crâne. Lorsque je le souhaite, je peux me métamorphoser et mon corps passe d’ailleurs par différents stades depuis l’éclosion de mon œuf – au bout de mille ans – jusqu’à ma taille adulte. C’est la raison pour laquelle on me retrouve représenté de différentes manières, 9 pour être précis puisque c’est mon chiffre de prédilection qui correspond également au nombre de mes enfants.
Pour les occidentaux, je suis associé au Nouvel An chinois, célébré fin janvier ou début février. La date n’est pas fixe car elle correspond à celle du calendrier luni-solaire. Cette année, c’est le samedi 28 janvier que nous basculons dans l’année du coq, à qui le singe laisse la place. Si vous êtes attentifs, vous verrez que j’appartiens également aux signes astrologiques chinois. Le mien revient tous les douze ans, comme celui de chacun de mes camarades.
Les préparatifs et festivités commencent une semaine avant le changement d’année. Dans un premier temps, les habitants nettoient leur maison pour se débarrasser des mauvaises ondes. Puis, ils envoient le Génie du foyer, dont le portrait est affiché dans chaque cuisine, rejoindre l’Empereur de Jade afin de lui rapporter les bonnes et mauvaises actions effectuées pendant l’année. Pour obtenir la clémence du Génie, les familles disposent des offrandes sucrées qui servent aussi à lui coller la bouche afin de l’empêcher de médire auprès de l’Empereur. Enfin, elles brûlent son portrait qui sera remplacé le jour de l’an.
Le soir du réveillon, toute la famille est réunie. On laisse des places vides, bols et baguettes, pour ceux qui ne peuvent être présents. Les maisons et les rues se parent de rouge, couleur qui est censée éloigner Nian, le monstre qui dévorait les gens la veille du Nouvel An. Les enfants reçoivent des enveloppes rouges contenant de l’argent et sortent pour faire éclater des pétards et jaillir des feux de bengale. C’est la nuit la plus longue car veiller ce soir-là est signe de longévité.
C’est à ce moment-là que j’entre en scène pour une danse acrobatique, la danse du dragon ! Mon long corps de serpent en papier ou en soie ondule grâce aux mouvements de nombreux danseurs talentueux et musclés, parfois plus de cinquante ! Ce moment festif, rythmé par les sons des tambours et du gong, entraîne les habitants dans l’euphorie générale. Si la danse est pratiquée de nuit, on accroche des lanternes à l’intérieur de mon corps, de quoi rendre le moment féérique.
Visites à la famille et cérémonies se succèdent quelques jours après le changement d’année. Le quinzième jour est marqué par la fête des lanternes qui vient clore les festivités. Les parcs sont décorés de lanternes lumineuses et, souvent, je suis également de la partie.